
Nadia Huggins ©
Il me faut être nu et puis plonger dans la mer, encore tout parfumé des essences de la terre, laver celles – ci dans celle – là, et nouer sur ma peau l’étreinte pour laquelle soupirent lèvres à lèvres depuis si longtemps la terre et la mer. Entré dans l’eau, c’est le saisissement, la montée d’une glu froide et opaque, puis le plongeon dans le bourdonnement des oreilles, le nez coulant, la bouche amère – la nage, les bras vernis d’eau sortis de la mer pour se dorer au soleil, la course de l’eau sur mon corps, cette possession tumultueuse de l’onde par mes jambe- et l’absence d’horizon…Je comprends ici ce qu’on appelle la gloire : le droit d’aimer sans mesure.
Albert Camus, Noces à Tipasa


Nadia Huggins
Ce mois de septembre, le Museo de arte moderno de République Dominicaine accueille une exposition individuelle de Nadia Huggins. Deux autres expositions collectives sont programmées, en Octobre à la Fondation Clément en Martinique et à Belfast, lors du Outburst arts Festival, en novembre. Nadia Huggins est photographe et graphic designer, originaire de Saint – Vincent des Grenadines en Caraïbe. Elle développe alternativement une pratique photographique documentaire et conceptuelle. Co – fondatrice de la revue Arc Magazine, elle se consacre aujourd’hui à la photographie et à la création graphique. Elle entend contribuer à la diffusion d’une image positive de l’homme caribéen, d’une vision caribéenne du monde caribéen, loin de l’imagerie commerciale, publicitaire et touristique. La Caraïbe, la mer, le corps, l’identité, la problématique des genres sont ses thèmes de prédilection.
La mer Caraïbe et le corps restent au cœur de la série documentaire, Circa no future comme de la série plus conceptuelle, Fighting the currents qui ont été réalisées simultanément même si Fighting the currents a exigé davantage de temps.

Nadia Huggins ©

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Circa no future, qui emprunte son titre à l’inscription du tee – shirt d’un des jeunes adolescents, capte les plongeons acrobatiques de jeunes désoeuvrés de Saint – Vincent. Tout à l’adrénaline de l’instant, ces teenagers vivent ce moment particulier où l’idée d’un futur n’est plus pertinente. Audace, liberté, authenticité de la compétition et de la rencontre du corps et de l’océan.

Nadia Huggins ©
Dans, Fighting the currents Nadia retranscrit aussi en images son propre vécu, physique et psychologique. L’océan devient métaphore de l’expérience de la perte, du chagrin et de l’acceptation. C’est la narration d’une anecdote personnelle, fil conducteur d’un vaste projet composé de plusieurs ensembles photographiques. Saisie par un fort courant marin, elle s’est laissée longuement dériver, du rivage jusque dans les profondeurs de la mer, pour enregistrer et partager cette expérience par la photo, la vidéo, les media sociaux et le web.

Nadia Huggins ©
Fighting the currents se décompose en trois parties, Surge, Transformations, and Every horizon looks the same, où elle examine son identité, son subconscient et l’environnement tout au long des étapes de ce voyage réel et psychique.
Ne nagez jamais contre le courant, laissez- vous emporter par le flux entend – on couramment dans les îles. Suivre ce conseil est une expérience violente dont Nadia a rendu compte dans des photos et des vidéos postées sur son compte Instragram. C’est le premier Volet, Surge.Cette épreuve physique lui semble correspondre à l’évolution mentale face à un chagrin : le choc initial, la souffrance, l’acceptation progressive, l’incertitude.
Le second épisode, Transformations, explore les relations entre le corps de Nadia, son identité et l’ écosystème marin alors qu’emportée par le courant, elle est tour à tour submergée par les flots ou repoussée vers la surface.
Lorsqu’elle émerge enfin, libérée du tourbillon, elle se retrouve loin du rivage, totalement entourée d’eau, incapable de se repérer, désorientée. Cette sensation lui inspire Every horizon looks the same qui invite chacun à exprimer cette notion de désorientation par l’image sur un site spécifique créé à cet effet, www.everyhorizonlooksthesame.com. Aujourd’hui plus de trois cents propositions du monde entier sont enregistrées. Vivre et créer dans une île minuscule et isolée encourage Nadia Huggins à mobiliser les ressources du web pour se connecter à une plus large audience et rendre ses créations accessibles à un ample public.
Dominique Brebion
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