Jean Baptiste Barret
Mythologiques aux bidons
Portraits masqués imaginaires
Du 31 mars au 30 avril 2016
Galerie André Arsenec
Cette série photographique propose une réflexion sur l’errance à travers une “représentation“de l’Odyssée d’Ulysse. Déjà visitée et revisitée par la pensée depuis des millénaires, ce classique exprime la quête identitaire de l’individu. C’est sa dimension d’universaux qui nous interpelle.
L’odyssée d’Ulysse, égarement d’un archipel à l’autre, est un discours qui porte un projet de fidélité individuelle, de haute mémoire à soi -même. C’est une mythologie, la conter par le biais d’une allégorie doublement masquée, c’est aussi une manière de l’exempter de toutes pensées obtuses, de l’ouvrir à la liberté des potentiels que chacun pourra et voudra y investir.JBB
Pouvez-vous retracer la genèse de ce projet Mythlogiques? En quoi ce projet répond-il au thème de Tropiques Atrium, Classiques revisités ?
Sans avoir la prétention de vouloir expliquer les mystères de la création, disons qu’à un moment donné une alchimie se fait. C’est une rencontre entre une partie du fond documentaire de mon esprit et l’énergie du monde. Dès les années 90 j’étais très admiratif des premiers masques Bidons d’Hazoumé, la simplicité du détournement de l’objet usuel me renvoyait à la Tête de taureau/selle de vélo de Picasso. Il y a aussi dans mon fond intime ces quatre photos de Picasso prises sur la plage de Golf-Juan par Gjon Mili en 1949. On y voit Picasso, les pieds dans l’eau, portant un gros masque heaume en forme de tête de taureau. Sur l’une des quatre photos la tête est retournée. Picasso présente donc à l’objectif la nuque du taureau à la place du museau. Le lieu (la plage, les liberty-ships sur l’horizon), la lumière et la force absconse de cette image me fascinent depuis longtemps. J’ai voulu essayer de reproduire cette puissance… et les Bidons sont remontés au guichet de l’archiviste. Si le Taureau est un des fondements de la cosmogonie méditerranéenne, les bidons sont eux un des “universaux“ de notre monde moderne. Cela est particulièrement vrai dans le monde tropical où le Bidon a souvent plusieurs vies…
Mais évidement une telle composition (un être humain avec un bidon à la place du visage) n’avait pas de sens. C’était juste sa force irraisonnée qui pouvait lui donner une justification.
Donc le basculement dans la mythologie était, pour moi la seule solution mentale à cet assemblage à première vue stupide. Or la Mythologie qu’elle soit issue de la mer Egée ou de la mer des Caraïbes renvoie toujours à l’intervention divine dans le cheminement de l’être (humain). Ainsi dans l’Odyssée, Ulysse va d’îles en îles vers son propre accomplissement et sa propre liberté. Sur chaque île il rencontre une divinité qui le contraint à prendre une décision ou à évoluer. Le mythe de l’Odyssée n’est que le récit dans une tradition écrite de ce qui dans le Vaudou (ou la Santeria et le Camdonblé) de tradition orale, serait vécu dans le rite. (Cf Metraux, Gasner-Joint) C’est la relation au “sur-humain“.
Bien que n’étant pas marin, les îles et les archipels m’évoquent toujours le cheminement et la progression en forme de saut de puce. Si je pense au voyage d‘Ulysse, je pense aussi aux grandes pirogues des Caraïbes remontant l’arc Antillais, à la progression des Polynésiens traversant le Pacifique jusqu’à Hawaï, aux Balseros Cubains essayant de rejoindre Key West, et bien sur aujourd’hui aux Syriens fuyant les horreurs de la guerre.
Classiques revisités ? Au final il semble que l’équipe de l’Atrium était d’accord avec moi quand j’avais la prétention de revisiter librement un Classique de la littérature. D’autre part l’image inconsciente que j’ai des mythes grecs est celle de la peinture classique européenne (N. Poussin ou les Tiepolo). Donc tout ça oui c’est bien du Classique…
Comment est née l’idée du masque ? quelle est sa fonction ?
Ce n’est pas l’idée du masque qui est venue; c’est celle de l’incarnation du Bidon. En fait j’ai découvert un peuple d’êtres particuliers qui semblent à mi chemin entre les hommes et les entités sur-naturelles…
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