Shirley Rufin, entretien avec Dominique Brebion

Shirley Rufin
Archéologies mentales
Pouvez -vous définir votre démarche et votre pratique artistique?
Je questionne à la fois la perception de la nudité et la finalité plastique du medium photographique. J’aborde la question du tabou de la nudité dans la société post – coloniale de la Martinique qui connaît cependant les exhibitions excessives du carnaval.
Le point de départ de mes recherches, c’est le scandale causé au XIX ème siècle par la femme dénudée du Déjeuner sur l’herbe d’Edouard Manet dont j’ai proposé pour mon diplôme de fin d’études un remix en trois dimensions dans une perspective féministe en inversant les rôles car dans ma version, c’est l’homme qui est nu.
Ma démarche s’inscrit dans les pratiques contemporaines du remix, de l’enquête sociologique et de l’expérimentation photographique.

Sirley Rufin
Pause
photo numérique
2005
Vous parlez d’expérimentation photographique. Vous est – il possible de développer cet aspect de votre recherche plastique ?
C’est par la métamorphose du corps, sa mise à l’épreuve pour le rendre anonyme et non identifiable que je tente de désamorcer ce tabou de la nudité. L’outil photographique me donne les moyens de cette substitution en plusieurs étapes. A partir d’un cliché argentique classique soumis à un traitement à l’acide et à une mise sous presse au contact d’une plaque de cuivre s’opère la transfiguration du corps. Une capture numérique agrandie et tirée sur plexiglas révèle l’œuvre, une dépouille isolée sur fond noir, une chimère vaniteuse.
Vaniteuse comme infatuée, prétentieuse de sa beauté sans doute mais aussi proche de cette catégorie de nature morte dénommée Vanités, de ces allégories de la précarité de la vie.
Entre – t -il une part de hasard dans la production de vos images ?
Beaucoup moins aujourd’hui car j’ai réussi à maîtriser le processus. A partir d’une découverte fortuite dans le cadre d’une expérimentation j’ai appris à diriger le processus de transformation induits par l’acide, le cuivre et le temps.
Qu’entendez – vous par archéologies mentales ?
Par archéologies mentales (ou images mentales) il faut comprendre les représentations cérébrales mémorisées ou imaginées qui sont construites en dehors d’une stimulation visuelle directe. Précisément, si cette imagerie mentale n’est pas le résultat direct de la perception elle se fonde en revanche sur toute notre activité visuelle passée et se combine avec notre propre faculté d’imagination pour produire de nouvelles images mentales. Ainsi, à cette notion il faut associer tout aussi bien les représentations des objets, que celle des idées, des concepts. Par ailleurs, j’associe ces « archéologies mentales » à la notion de reconstitution car, elles sont des recréations artificielles de toutes pièces de quelque chose pour reproduire un aspect voire un état singulier. De plus ces images ont une double nature car elles naissent du conscient et de l’inconscient.
Discussion
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