L’Aica Caraïbe du Sud a récemment reçu la visite de Tatiana Flores, professeur d’histoire de l’art, spécialiste de l’art de la Caraïbe et de la diaspora latino- américaine à Rutgers University du New Jersey, curator de plusieurs expositions d’art contemporain de la Caraïbe, Wrestling with the Image: Caribbean Interventions , avec Christopher Cozier pour le Art Museum of the Americas à Washington, D.C. en , 2011 ainsi que Disillusions: Gendered Visions of the Caribbean and its Diasporas dans le comté du Middlesex au College Studio en 2011. Dans le cadre de la préparation de son prochain projet, Relational Undercurrents: Contemporary Art of the Caribbean Archipelago, programmé en fin 2017 au musée d’art latino- américain de Long beach en Californie, Tatiana Flores a visité une dizaine d’ateliers entre le 13 et le 17 mars
L’exposition Relational Undercurrents: Contemporary Art of the Caribbean Archipelago programmée en septembre 2017 au MOLAAA – Musée de l’Art Latino-américain, Long Beach, Californie, propose une lecture de la production artistique de la Caraïbe insulaire au vingt-et-unième siècle avec l’archipel comme toile de fond analytique. Inscrite dans le programme Pacific Standard Time de la Fondation Getty : LA/LA initiative, cette exposition se focalise sur une région complexe dont les contours géographiques apparaissent en effet souvent fluctuants, tour à tour Petites Antilles, Iles du vent et Iles sous le vent, Iles ABC pour Aruba, Bonnaire et Curaçao, Iles cannibales pour Christophe Colomb, Iles inutiles lorsque les ressources naturelles faisaient défaut, Caraïbe insulaire, Caraïbe continentale. Et c’est , qui plus est, une région dont la création artistique contemporaine d’une indéniable vitalité se trouve le plus souvent insérée dans un schéma Centre versus Périphérie.
Si quelques remarquables expositions collectives ont rassemblé ces dernières années des plasticiens contemporains de la Caraïbe : Caribe Insular Exclusión, fragmentación y paraíso en 1998 au MEIAC de Badajoz et à la Casa de América de Madrid , Infinite island en 2007 au Brooklyn museum de New- York, Kreyol Factory en 2009 à La Villette, Paris, Caribbean : crossroads of the world au Museo del Bario de New-York en 2012 puis au Perez Art museum de Miami en 2014, ces dernières mettaient souvent l’accent sur la diversité de l’archipel, discontinu, isolé, divisé sur le plan géopolitique et linguistique en raison de son histoire coloniale complexe.
Relational Undercurrents: Contemporary Art of the Caribbean Archipelago insiste au contraire sur les continuités sous-terraines qui circulent dans la Caraïbe.
Ce projet est conçu par Tatiana Flores, professeur d’histoire de l’art latino – américain et caribéen à Rutgers University. Elle a publié différentes études, notamment Mexico’s Revolutionary Avant-Gardes et réalisé plusieurs expositions relatives à la Caraïbe, Wrestling with the Image: Caribbean Interventions , avec Christopher Cozier pour le Art Museum of the Americas à Washington, D.C. en , 2011 ainsi que Disillusions: Gendered Visions of the Caribbean and its Diasporas dans le comté du Middlesex au College Studio en 2011.
Relational Undercurrents: Contemporary Art of the Caribbean Archipelago interroge donc cette unité sous-marine qu’évoque Kamau Brathwaite, met en évidence les courants syncrétiques, les continuités relationnelles de l’archipel et traite des relations sous – jacentes de la Caraïbe insulaire et continentale. Elle relie les îles les unes aux autres, les îles et le continent, les îles à la mer et les îliens les uns aux autres. Un assemblage archipélique « n’est pas un simple agencement, une collection, une composition d’éléments faits pour aller ensemble. Les assemblages agissent ensemble : ils dessinent, sélectionnent, ajustent … »
Quatre subdivisions structurent un ensemble de quatre – vingt plasticiens contemporains
Conceptual Mappings se focalise sur les productions qui illustrent les connectivités intentionnelles, qui visualisent les constellations régionales. Ainsi, parmi d’autres, Les Antilles, création de Engel Leonardo, récrée un archipel des plantes de la région, présentées chacune dans un pot blanc sur des supports s’inspirant de l’esthétique moderniste ou africaine. Pour évoquer le passé colonial, Juana Valdes utilise des objets du commerce global, de la porcelaine et des objets d’art, en les disposant comme des îles au milieu de la mer. Dans Man Without a Country – Apatride- Firelei Baez déconstruit des cartes du dix-neuvième siècle par l’ajout de dessins de parties du corps féminin et d’éléments décoratifs.
Perpetual Horizons s’attache à la matérialisation de l’horizon émergeant de façon répétitive tant comme frontière que comme ouverture sur d’autres possibles. Carlos Martiel souligne les aspects par lesquels l’horizon devient une sorte de guillotine, une métaphore véhiculant l’image des corps noirs séparés de leurs terres ancestrales. Dans l’art cubain en effet, l’horizon dénote aussi souvent le sentiment d’enfermement provoqué par l’existence sous un régime communiste, mais c’est également une référence habituelle pour d’autres Caribéens comme Quisqueya Henriquez, Janine Antoni entre autres.
Landscape Ecologies présente la Caraïbe comme une région d’écosystèmes et d’habitats partagés ainsi que l’expérience partagée de notre vulnérabilité aux catastrophes naturelles. D’autres artistes, Christopher Cozier, Allora et Calzadilla, par exemple, commentent les réseaux enchevêtrés de l’exploitation, l’utilisation de l’environnement naturel à des fins capitalistes et corporatistes, et les effets concomitants de la destruction de l’environnement. La relation entre paysage et mémoire historique se dégage aussi avec force dans d’autres œuvres.
Representational Acts se concentre sur la représentation comme pratique active plus que comme traduction passive du monde visible. Contrairement à la fonction mimétique qu’on associe à la représentation dans l’histoire de l’art traditionnelle, pour les artistes qui interviennent dans cette section, c’est le point de vue politique qui est mis en avant. Les œuvres de cette section reconfigurent activement le monde caribéen que ce soit par la pratique sociale – c’est le cas de Tania Bruguera et Miguel Luciano- ou bien par l’instauration d’une relation interactive, comme Jorge Pineda l’expérimente avec ce squelette réalisé à la craie ; les spectateurs peuvent utiliser les os pour tracer leur marques sur le mur. D’autres vont utiliser la représentation dans le but de commémorer ; c’est le cas d’Ebony Patterson qui rend hommage aux jeunes jamaïcains assassinés. Sofia Gallisá documente les rites funéraires à Porto Rico, et Sasha Huber choisit de créer des portraits de victimes d’assassinats politiques. A travers ces actes de représentation, ces artistes commentent également l’engagement en matière de race, de religion, de genre et de sexualité.
Relational Undercurrents: Contemporary Art of the Caribbean Archipelago circulera dans quatre autres musées des Etats – Unis, à New- York, à Miami, à Portland dans le Maine et dans le Delaware. Il n’est pas impossible qu’une version de l’exposition soit présentée dans la Caraïbe.
Bientôt, une interview de Tatiana Flores et la liste complète des artistes invités
Dominique Brebion
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