Hélio Oiticica était un artiste brésilien très connu pour ses démarches artistiques novatrices et pour ce qu’il a appelé l’art de l’environnement, qui inclut Parangolés et Penetrables, comme le célèbre Tropicália.
En 1968 Helio Oiticica a créé la bannière Sois marginal, sois héros, en référence à Cara de cavalo (face de cheval), – le «héros anti-héros », un bandit-caïd de Rio tué par la police et à Alcir Figueira da Silva le « anti-héros anonyme, » petit bandit qui s’est suicidé, acculé par la police, après avoir volé une banque.
Cara de cavalo a reçu plus de 100 balles de mitrailleuse sur le corps lors d’une « chasse à l’homme spectaculaire » comme dirait alors la presse. C’était un ami de l’artiste qui lui a rendu hommage en 1966 avec une œuvre de la série bolides, le bolide boite n° 18-B33, qui se présentait comme une boite-poème (les bolides étaient en général des boites-couleurs, des récipients en bois, métal, ciment ou verre généralement monochromatiques, remplies de pigment pur, poudre ou liquide). La boite-poème était composée d’une photo de Cara de cavalo mort (la même qui avait fait la couverture des journaux) et d’un message: « Ici, il est et il restera! Voici son silence héroïque ».
La photo imprimée sur la bannière Sois marginal, sois héros est celle du cadavre d’Alcir Figueira da Silva, tel que exposé dans la rue après son suicide. Helio lui a également rendu hommage avec une œuvre de la série bolides, le bolide boite n° 211966/1967 B44 dont le fond est tapissé de l’image de l’anti-héros mort recouverte par un écran sur lequel il est écrit « pourquoi c’est impossible ? » cette boite est recouverte par une autre boite, remplie de sable, ce qui crée une impression d’être un mausolée
Il est intéressant de lire ce que l’artiste dira de ces œuvres en 1968. Pour Helio, la mort de Cara de cavalo était le symbole de la violence que la société exerce par le bras de la police sur tout ce qui est marginal : petits bandits, bandits, mendiants, fous, artistes…non pas que le bandit en question n’avait pas des torts, ou qu’il n’ait été responsable de sa propre destinée mais, comme écrit l’artiste par « la façon dont cette société castre toute possibilité de leur survie, comme si ils étaient sa lèpre, un mal incurable – la presse, la police, les politiciens, la mentalité morbide et scélérate d’une société fondée sur les principes les plus dégradantes, comme la nôtre, a collaboré à en faire le symbole de celui qui doit mourir, et je dis plus, mourir violemment, … Il y a comme une jouissance sociale en cette mort, même chez ceux qui disent qu’ils sont choqués ou se sentent «désolés».
L’hommage d’Helio à l’héros marginal est donc loin de l’image romantique d’un Hobin Wood. Helio cherche à mettre en évidence le comportement auto destructif imposé aux marges par la société capitaliste comme seule ligne de conduite possible jusqu’à en faire des idoles antihéros dont la destinée est d’être sacrifiés comme des animaux.
L’histoire personnelle des artistes n’explique par leur art, mais d’une manière subtile et omniprésente s’exfiltre dans leurs créations en laissant une sorte de marque. Helio Oiticica était petit fils d’anarchiste et ce détail autobiographique est loin d’être anodin. Comme son grand-père Helio fréquentera les bidonvilles de Rio. Il n’y a peut-être pas de relation de cause à effet ici, cependant, tout au long de sa courte vie d’artiste Helio amènera l’art dans des espaces sociaux populaires. Plus que cela, il fera de l’art un espace social populaire. Ses fameux parangolés, l’art à porter et à danser, « le comportement-corps » comme disait Helio, ont été censurés par le Musée d’Art Moderne de Rio lors de leur première apparition publique; C’était en 1965 et les parangolés devaient être performés par quelques membres de l’école de samba Mangueira. Leur pauvreté apparente, et l’aspect bruyant et festif de la performance a amené la sécurité du Musée à l’interdire. Helio les a amené alors performer dehors dans la partie extérieure du Musée qui est devenue d’ailleurs scène récurrente des actions performatives par la suite (voir l’iconique performance, Divisor – 1968 ) de Ligia Pabe
Le tropicalisme, le mouvement le plus emblématique de la contre-culture au Brésil, a tiré son nom et son sens de départ d’une œuvre d’Helio, le mythique pénétrable Tropicalia, décrit en 69 par l’artiste en ces termes :
« Tropicalia est un type de labyrinthe fermé sans voies alternatives à la sortie. Lorsque tu entres, il n’y a pas de plafond, l’espace de circulation du spectateur est pavé des éléments tactiles. Au fur et à mesure que tu avances, les sons que tu entends de l’extérieur (voix et toutes sortes de sons) sont révélés comme ayant leur origine dans un récepteur de télévision qui est placé à proximité. La perception (qu’on a) des images est alors extraordinaire : quand tu t’assoies sur un tabouret, les images de la télévision arrivent jusqu’à toi comme si elles étaient assises autour de toi. Je voulais dans ce pénétrable, faire un exercice d’images sous toutes ses formes : structures géométriques fixes (qui ressemble à une maison japonaise – mondrianesque ) , images tactiles , le sentiment de marcher en terrain difficile (il y a trois types de sol : des sacs de sable , du sable , du gravier et des tapis en partie sombre dans une succession d’une partie à l’autre) et de l’image de télévision ( … ) . C’est une scène tropicale.”
L’intention déclarée de l’artiste était donc de créer une sorte de scène tropicale (plants, animaux, sables, gravier). L’artiste travaillait alors avec une dualité qui allait devenir une évidence bien d’années plus tard : le global et le local ‘‘l’image est un problème universel, mais j’ai proposé ce problème dans un contexte qui est typiquement national, tropical et brésilien » Helio avait l’ambition de créer un langage artistique dont la base serait brésilienne, qui aurait pu être « caractéristiquement brésilienne ». Il s’opposait au tournant « imagétique » du pop art, qui était international. C’est de ce questionnement qui vient son lien avec l’anthropophagie d’Oswald d’Andrade. Il ne s’agit pas de s’approprier l’autre, mais de devenir, sans cesse, soi-même, un autre. Caractéristique mutante qu’Oswald avait reconnu à la culture brésilienne, en se tournant vers les amérindiens, et que le tropicalisme allait justement étendre à toutes les couleurs et couches de la société brésilienne.

COSMOCOCA CC 5 Hendrix-War, Helio Oiticia & Neville Almeida, création 1973, réalisation Inhotim, 2010
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