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Poems from Saint-Lucia

En mai dernier, Sainte- Lucie rendait un hommage national au plasticien Llewellyn Xavier. Pour cet hommage, l’organisateur,  Cultural Development Foundation Saint Lucia Jazz & Arts Festival, a confié la scénographie d’une importante  exposition à Yvana Vaïtilingom. En effet, en septembre 2017, Yvana avait conçu et coordonné la mise en espace d’une exposition de l’artiste, Célébration, à la Fondation Clément. Cette exposition à Sainte- Lucie est un bon prétexte amorcer une réflexion sur la circulation des artistes et des professionnels de l’art dans la Caraïbe.

Orange grove plazza
Poems from Saint- Lucia
Poems from Saint- Lucia

Du 4 mai au 13 mai 2024, s’est tenue à l’Orange Grove Plaza de Sainte Lucie, une exposition – hommage, Poems from Saint Lucia de Llewellyn Xavier désigné par le gouvernement comme l’icône culturelle nationale saint-lucienne 2024.  Llewellyn Xavier avait été invité à exposer à la Fondation Clément en 2017. Yvana Vaïtilingom, scénographe avait conçu et coordonné la mise en espace de Célébration. Elle a également assuré la scénographie de cette nouvelle exposition àl’Orange Grove Plaza. Voilà une coopération inter- île, certes encore à développer mais qui montre une aspiration à une collaboration renforcée et à une circulation même encore timide des professionnels de l’art.

Yvana est sans doute la première scénographe professionnelle installée à la Martinique. Après l’obtention de son Diplôme National Supérieur d’Expression Plastique à l’Ecole Régionale d’arts Plastiques de Martinique, elle crée son entreprise, Yvana Arts, spécialisée dans la diffusion de l’art contemporain de la Caraïbe. Elle a multiplié les expériences professionnelles dans les domaines du graphisme, de la scénographie, du décor cinématographique, de l’organisation d’évènements culturels, de la formation culturelle. Elle conçoit la scénographie de nombreuses expositions de la Fondation Clément mais a également renouvelé la présentation muséographique du site de la Pagerie aux Trois-Ilets et du Musée de la Franc-maçonnerie à Fort-de-France. Elle a aussi créé la Boutique Hôtel Sable Bleu et la   charte graphique Fondation Aimé Césaire pour ne citer que quelques-unes de ses réalisations.

Elle a dû relever quelques défis scénographiques lors de l’accrochage de Poems from Saint Lucia pour intégrer une exposition d’art de cent mètres carrés dans un immense espace de huit cent mètres carrés, destiné à d’autres fonctions, soumis à des contraintes techniques spécifiques, non équipé en système d’éclairage.  Il a fallu aménager la circulation du public et accrocher plus de cinq cents pièces.

Plan de circulation de l’Orange Grove Plazza

Pour chacune des galeries d’images, cliquer sur la première pour agrandir

Trois séries distinctes composent l’ensemble.

Comme l’explique Llewellyn Xavier, « Poems from Saint Lucia est une série de chansons visuelles. Un arrangement de couleurs et une tentative de comprendre la complexité de la forme. La mise au point passe de la couleur à la texture pour former et estomper les frontières entre la peinture et la sculpture. L’accent passe de la couleur à la texture puis à la forme et brouille les frontières entre peinture et sculpture. Poems from Saint Lucia est un rejet des normes établies, en faveur d’un style qui capture une idéologie exotique et insouciante, marque de l’identité caribéenne. C’est la liberté des contraintes, des influences et des pratiques. »

La seconde suite, Cold Fire, est inspirée par l’éruption de la Montagne Pélée de 1902. Tout dans la ville a été brûlé, y compris la tour de l’église et la cloche. Le verre, chauffé à la température maximale, a été réduit à des taches biomorphiques. Picasso avait déjà été fasciné par ces verres et bouteilles fondus, aussi séduisantes que des œuvres d’art. Llewellyn Xavier lui aussi émerveillé s’en inspire pour développe toute une série de petites œuvres.

Llewellyn Xavier Cold fire Installation en cours

 Enfin, The Saint- Lucia chronicles est une tentative pour fixer la mémoire de Sainte-Lucie en prose, poésie, photographie, calligraphie dans des collages C’est une œuvre d’art contemporaine qui ne respecte pas les protocoles, les règles, les règlements et les conventions. L’œuvre est entièrement réalisée à partir de matériaux recyclés de l’atelier d’artiste, utilisant une multiplicité de techniques, de matériaux, de fibres naturelles et agrémentées d’œuvres d’art originales, d’estampes anciennes, de manuscrits originaux et de cartes du monde entier. 

Ce sont des collages, technique que Llewellyn Xavier, avait largement explorée au début des années soixante- dix dans George Jackson series, Sex and Race series, Paul Robeson series, Global council for restoration of the earth’s environment qu’un premier article de 2017 présente plus en détails

Le collage implique une première phase de déconstruction suivie par une seconde de reconstruction. L’artiste puise et sélectionne au cœur de la réalité des éléments hétéroclites. Il prélève, découpe, ampute.  Puis il les assemble et crée de nouveaux rapports entre ces fragments. Il les juxtapose, les superpose, les mixe. Ils perdent alors leur identité évidente et manifeste, et dans le croisement interactif avec les diverses entités constitutives de l’œuvre, offrent une autre présence.

La sauvegarde de la nature semble au centre de la démarche artistique de cette série. On note des noms de lieux (Mont Pimard, Morne Saint Joseph, Morne Beausejour, Gadette), de militants écologistes, des slogans en faveur de la préservation de la nature. On remarque des gravures anciennes d’animaux et de fleurs, des fragments d’œuvres, des matières diverses

On retrouve dans cette exposition – hommage de grands tableaux très colorés dans le style pictural si particulier de LLewellyn Xavier. Ni géométrique ni véritablement lyrique ou gestuelle, l’abstraction de LLewellyn Xavier est matiériste. Il travaille la densité, l’épaisseur, l’opacité, la texture du pigment. Les couleurs sont posées en empâtements et les gestes de fabrication laissent des traces. L’artiste expérimente différents procédés qui confèrent du relief à ses toiles.  Il y a bien sûr les larges touches abondantes mais aussi des lamelles de pigment séché semblables à des pétales de fleurs collées sur la toile ou des minuscules billes multicolores que Llewellyn roule une à une à la main avant de les apposer sur le support .

Un précédent article du blog de l’Aica-sc présentait la démarche artistique et la carrière de Llewellyn Xavier. Ce qui retient ici l’Aica Caraïbe du sud, c’est l’amorce de la collaboration inter- îles et la présentation du métier de scénographe. Comment passe – t-on d’un concept d’exposition, d’un ensemble d’oeuvres à la mise en espace respectueuse des contraintes techniques du lieu et du projet artistique du curator et de l’artiste, à la création du parcours dans l’exposition, au choix de la gamme chromatique. Le scénographe reste à l’écoute du commissaire ou de l’artiste. Même s’il est auteur, sa création scénographique ne doit pas prendre le pas sur le projet muséographique ou sur la production de l’artiste. Sa mission est de les mettre en avant tout en assurant au public un confort de visite maximal dans la circulation au sein de l’espace, dans la lisibilité des textes, dans le choix d’un éclairage adéquat. Bien sûr, il doit respecter toutes les règles de sécurité, les contraintes de conservation, tenir compte de l’activité sismique. Une bonne connaissance en histoire de l’art, une maîtrise de la colorimétrie et de l’harmonie des couleurs, une capacité d’écoute, l’esprit d’équipe et la flexibilité lui sont nécessaires pour assumer cette fonction complexe.

D B

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