FONDATION CLEMENT 14 décembre2025-15 mars 2026
L’exposition,, Aux origines de la Caraïbe, Taïnos et Kalinagos, présentée à la Fondation Clément du 14 décembre 2025 au 15 mars 2026 est un événement culturel majeur. Elle propose une relecture essentielle de l’histoire caribéenne en donnant à voir ceux qui furent les premiers véritables découvreurs de l’archipel antillais.
Chasseurs-cueilleurs-pêcheurs, ces populations arrivent dans les îles de la Caraïbe dès le quatrième ou cinquième avant notre ère. Leurs migrations s’effectuent soit depuis les côtes de l’Amérique centrale ou du Yucatan, soit en suivant l’arc insulaire des Petites Antilles depuis Venezuela et Trinidad, en un temps où le niveau des mers plus bas rattachait cette dernière au continent sud-américain. L’exposition contribue ainsi à corriger un récit historique longtemps façonné par le prisme de la colonisation européenne.
Les Taïnos établis dans les Grandes Antilles, les Bahamas, et le nord des Petites Antilles, et les Kalinagos présents dans le sud de ces dernières, peuplaient la Caraïbe bien avant l’arrivée de Christophe Colomb en 1492. Pour la première fois, l’exposition embrasse l’ensemble de l’histoire millénaire des peuples autochtones de la Caraïbe depuis les origines, il y a six ou sept mille ans jusqu’à l’époque contemporaine.
A travers des collections patrimoniales et artistiques d’exception le public est invité à découvrir un pan fondamental de l’histoire trop souvent occulté. De nombreuses oeuvres souvent inédites et parfois uniques jalonnent ce parcours : le siège cérémoniel taïno (duho) du musée du quai Branly-Jacques Chirac, l’urne funéraire du musée Barrois ou encore des parures remarquables de la culture Hueca provenant de Porto Rico.

Grandes Antilles, Hispaniola. Taïno
1280-1400, Bois de gaïac, 42,4 × 30,4 × 71,5 cm
Musée du quai Branly – Jacques Chirac, 71.1950.77.1 Am
Photo : Musée du quai Branly – Jacques Chirac, Hughes Dubois
Fruit d’un vaste réseau de partenariats avec des institutions prestigieuses parmi lesquelles le musée du quai Branly-Jacques Chirac , le musée Barrois, le Museo del Hombre dominicano, le Centro León et de la Fondation Garcia Arevalo de République dominicaine, le musée de Berlin ainsi que des prêts issus de collections de Martinique, de Guadeloupe, de France métropolitaine, d’Allemagne, du Royaume-Uni, d’Italie, des États-Unis, de République dominicaine et de Porto Rico cette exposition est le résultat d’un travail rigoureux et patient.

Guadeloupe, Le Moule, Morel. Culture de la Hueca
300 av. J.-C. -300 ap. J.-C, Paragonite, aventurine, sudoïte, améthyste,
cristal de roche, 17 × 15 cm
Musée départemental d’archéologie améridienne-Edgar Clerc, Guadeloupe, 95.12.1 à 19-photo Anne Chopin
Elle donne à voir la complexité et la richesse des sociétés préexistantes à l’arrivée des Européens et faire la démonstration que le vieux continent n’a jamais eu l’exclusivité des chefs-d’œuvre.
L’un des apports majeurs de l’exposition est de proposer une vision renouvelée de la Caraïbe comme un espace culturel unifié. Elle montre que les populations autochtones de la Caraïbe relèvent d’une vaste aire culturelle amazonienne adaptée à des espaces à la fois terrestres et maritimes et partagent, du Venezuela aux Guyanes, des Petites aux Grandes Antilles et aux Bahamas, des fondements économiques, sociaux et symboliques communs.
La mer n’apparait nullement comme une frontière mais comme une voie de circulation essentielle reliant les îles entre elles et permettant pour ces grands navigateurs de parcourir l’archipel sur de longues distances.

Martinique, Basse Pointe, Gradis, Culture de Saladero
300-600 apr.J.-C., Céramique, 22 × 22,5 cm
Ministère de la Culture, Direction des affaires culturelles
de Martinique, Fort-de-France. Photo : Anne Chopin

Guadeloupe, Saint-François, Anse à la Gourde
Culture de Troumassé
800-1200 apr.J.-C., Corail, 18,4 × 8 × 5,5 cm
Ministère de la Culture, Direction des affaires culturelles
de Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélemy, Baillif.
Photo : Anne Chopin
Cette dynamique culturelle se donne notamment à travers quatre œuvres découvertes dans des fouilles archéologiques de Martinique, Guadeloupe, République dominicaine. Elles offrent un panorama significatif des modalités de représentation du visage humain dans l’art taïno et, plus largement, dans les traditions précolombiennes des Grandes et Petites Antilles. La diversité des matériaux – céramique, corail, coquillage, pierre- des formes et des contextes d’usage révèle la richesse symbolique et la complexité conceptuelle attachées à l’image du visage.

République dominicaine, Taïno
1200-1500, Coquillage, 8,4 cm
Fundación García-Arévalo, Santo Domingo / FGA-420
Hache avec deux têtes d’oiseau
Guadeloupe
Sans date, Lithique, 23 × 17 × 6 cm
Ancienne collection Louis Guesde, Ethnologisches Museum,
Berlin, IV Cb 307, IV Cb 308
Photo : Staatliche Museen zu Berlin, Ethnologisches Museum,
Claudia Obrocki
Jean-Michel

République dominicaine, Taïno
1200-1500 apr.J.-C., Lithique, 20 × 13,5 cm
Museo de Historia, Antropologia y Arte, Universidad de Puerto
Rico, Rio Piedras, San Juan.
Photo : John Betancourt
Loin de toute visée naturaliste, le visage humain y est stylisé, schématisé ou transformé. Sa récurrence dans des objets à forte charge rituelle — vases, masques (guaízas), sculptures — souligne son rôle central dans les systèmes de croyances taïnos. Ces œuvres sont généralement interprétées comme des médiateurs entre le monde des vivants et celui des esprits, des ancêtres ou des entités surnaturelles, les zemís. La variété des matériaux employés — céramique, corail, coquillage, pierre — n’est pas anodine. Chaque matériau possède une valeur symbolique et cosmologique propre, liée à son origine (terre, mer, roche) et à ses propriétés physiques. L ’analyse conjointe de ces quatre œuvres souligne l’existence d’un langage visuel partagé à l’échelle caribéenne, tout en laissant apparaître des variations régionales et fonctionnelles
Après Afrique d’hier et d’aujourd’hui (en collaboration avec la Fondation Dapper), après Révélation, art contemporain du Bénin, après Aimé Césaire, Lam, Picasso nous nous sommes trouvés et la rétrospective Hervé Télémaque réalisée avec le Centre Pompidou cette nouvelle exposition de la Fondation Clément s’inscrit dans une démarche continue visant à approfondir la connaissance des racines les plus profondes de notre archipel caribéen.
Dominique Brebion

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